dimanche 18 novembre 2007

Waytane Ag Attayoub.............un homme bleu


Je ne pouvais décemment pas continuer ce blog, sans enfin évoquer ceux qui me l'inspirent, ceux qui en sont la raison, ceux qui m'ont fait tomber définitivement amoureux du Sahara, il y a bientôt 5 ans, "les hommes bleus" comme on appelle les habitants de cette immensité désertique.

Pourquoi les hommes bleus? Parce qu'ils portent le plus souvent des deux pièces bleus et que le turban qui enveloppe leur tête (auquel je conscrerai un post plus tard) est dans la plupart des cas teinté d'ingigo, cette teinture bleue qui se dépose au fil de la journée sur votre peau et vous transforme véritablement en homme bleu au sens propre.

Pour évoquer ces hommes, je me devais de commencer par celui qui m'est le plus proche, Monsieur Waytane Ag Attayoub.

Une explication tout d'abord sur le nom.

Chez les Kel Tamasheq, il n'y a pas de nom de famille comme chez nous. Un tamasheq s'appelle par son prénom suivi d'une particule qui veut dire "fils de" suivi du prénom de son père. Pour un homme, cette particule est "Ag", pour une femme c'est "Walet". Waytane est donc le "fils de" Attayoub il s'appelle Waytane Ag Attayoub, sa soeur Lokane "fille de" Attayoub s'appelle Lokane Walet Attayoub.

Quand je vivais à Tessalit et que j'envoyais des messages, j'avais l'habitude de les signer Vincent Ag François, voilà pour l'explication.

Cet homme est comme je vous l'ai dit dans un billet précédent, un colosse de plus d' 1m90 avec un coeur gros comme ça.

Notre première rencontre eut lieu à St Jean quand il nous rendit visite en 2002 avec Abdallah Ag Albaka, maire de Tessalit.

Il fut un combattant de la rebellion des années 1990, cette rebellion dont nous reparlerons tant elle est importante dans l'histoire des Kel Adagh.

Depuis, il est devenu élu de la commune de Boghessa, située à 250 km au nord de Kidal où il vit aujourd'hui.

Un jour, l'année dernière, Waytane m'a dit quelque chose qui m'a profondément marqué, d'autant que j'avais entendu la même phrase dans la bouche du commandant Massoud après la prise de Kaboul par les moudjaidines à l'armée russe en Afganistan.

Nous parlions de la rebellion et de ses réveils (ou tentatives de réveil) incessants et Waytane m'a dit: "Nous, nous avons fait la rebellion la plus facile, celle avec les kalashnikov, nos enfants doivent en gagner une autre beaucoup plus difficile, celle dont la seule arme est le bic" (en afrique un stylo s'appelle un bic.....).

Waytane est un grand homme.

Il a compris que le développement de sa région ne se fera que par l'éducation et que les armes et la guerre ne feront que le retarder.

Alors il met en cohérence ses idées et ses actes, il accueille à Kidal les enfants du village de Boghessa pour qu'ils puissent étudier et il se débrouille comme il peut pour les nourrir et les loger.

Il recherche sans cesse des solutions pour soutenir des jeunes qui veulent étudier. C'est ainsi qu'il y a deux ans, il me parla de Kadia, une fille dont le père vivait à Bamako et la mère à Kidal et qui voulait suivre des études à la toute nouvelle école des infirmiers de Kidal.

Waytane recherchait des partenaires pour financer les études de cette fille. Nous avons trouvé une solution : aujourd'hui Kadia est major de sa promotion; elle sera bientôt une infirmière très utile dans cette région qui manque cruellement de professionnels de la santé; elle aura un métier lui permettant de vivre avec sa famille.

Voilà qui est Waytane Ag Attayoub, voilà pourquoi j'aime cet homme, voilà pourquoi je voulais lui consacrer un billet.

Sur la piste entre Kidal et Boghessa, nous faisons un feu pour prendre le premier verre de thé.



Sur cette même piste à midi, arrêt dans l'hôtel "5 étoiles" pour la pause déjeuner.


A Boghessa, en compagnie d'Abouneghia

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